Les phénomènes d’imitation (ou la preuve sociale)
Les phénomènes d’imitation sont souvent bénéfiques et souhaitables, en particulier dans l’éducation. On apprend en reproduisant le comportement des autres. Et on pense que c’est bien. La preuve ? C’est que les autres le font.
La preuve sociale, c’est de se dire : « La vérité, ce sont les autres qui la détiennent », c’est de s’appuyer sur le comportement des autres. La preuve sociale, c’est la tendance à croire que tel comportement est valable puisque tout le monde l’adopte. (Le problème avec cette manière de penser, c’est que lorsque tout le monde pense pareil, c’est un peu comme si personne ne pensait vraiment… mais c’est parfois bien utile pour ne pas avoir à perdre trop de temps « à penser nos comportements ». On a aussi besoin d’automatismes pour bien fonctionner.)
Ce principe de preuve sociale est si fort qu’il peut aller jusqu’à se donner la mort par imitation.
Les dangers de l’imitation ou l’effet Werther
Certains se souviennent peut-être d’avoir lu durant leurs années de lycée des extraits du premier roman de Goethe, Les souffrances du jeune Werther (1774). Ce livre met en scène le suicide de son héros par arme à feu et déclenche à sa parution une véritable vague de suicides… par armes à feu. Pour cette raison, l’ouvrage a fini par être interdit dans plusieurs pays d’Europe.
Aux Etats-Unis, le sociologue David Philipps a étudié les statistiques concernant le suicide. Il a constaté une augmentation inhabituelle du nombre de suicides dans les deux mois qui suivent la médiatisation du suicide d’une personnalité. Il existe un effet d’entraînement chez les personnes les plus fragiles qui peuvent alors se donner la mort par imitation. Par exemple, le suicide de Marylin Monroe a entraîné à Los Angeles une augmentation de 40 % dans le mois qui a suivi. Phillips a nommé cette forme de contagion suicidaire « l’effet Werther ».
De la même manière en France, il a été constaté une hausse significative du taux de suicides dans le mois suivant le décès par suicide de Bérégovoy (+ de 17%) ou de Dalida (23% de suicides en plus chez les personnes âgées de 45 à 59 ans). Tous les suicides ne provoquent pas cet effet. Il faut qu’il y ait une forte identification des individus suicidaires à ces personnalités et que le suicide ne soit pas présenté comme un acte condamnable pour que l’effet Werther ait lieu.
Cialdini ou les cas dissimulés de suicides imitatifs
Robert Cialdini, docteur en psychologie sociale, a écrit un ouvrage passionnant, Influence et Manipulationdans lequel il reprend entre autres sujets les travaux de Philipps. Cialdini constate que les accidents mortels se multiplient après la surmédiatisation d’un suicide. Il impute ce fait à une manifestation plus subtile de l’effet Werther. Ce serait une façon moins directe d’agir pour certaines personnes qui préfèreraient dissimuler leur intention suicidaire dans un accident. Pour cet auteur, ce serait la publicité autour de certains suicides qui provoquerait cet accroissement du nombre d’accidents.
Le rôle des médias dans le suicide par contagion
Cela vient interroger la médiatisation des suicides. Prenant en compte l’effet Werther, l’OMS a publié des recommandations aux médias afin de ne pas provoquer de contagion suicidaire. Il leur est notamment demandé d’éviter tout sensationnalisme, de ne pas normaliser le suicide, ni de publier autour des moyens ou des lieux de suicides. En revanche, ils doivent fournir des informations précises sur les dispositifs existant pour prévenir le risque suicidaire.